i've got a surprise for you (ezebel)

En faisant patiemment la queue près de la boulangerie, ta main qui tiens le petit sac noir à tes côtés, tu laisses tes pensées vagabonder ci et là. Cela faisait déjà un petit moment que tu ne l’avais pas vu, Abel et il serait faux de dire qu’il ne t’avais pas manqué. Tu n’avais que peu d’amis, encore moins que tu voyais en dehors du travail, mais le romain avait une place toute particulière dans ton cœur. Ton premier amour, ton premier baiser,  ton premier cœur brisé ; cela n’a pas été toujours tout rose entre vous, cette séparation brutale qui t’as mit plus bas que Terre pendant un long moment avec un palpitant en miettes, un corps inconsolable. Mots durs qu’il a pu avoir envers toi, froid glacial entre vous, la parole a fini par revenir, doucement et les tensions par s’envoler. Tu en es terriblement heureux, même si votre relation ne sera plus la même, même si vos lèvres ne se toucheront plus, mais tu es simplement remplit de joie à l’idée d’avoir un tel ami dans ta vie, une personne si précieuse et pour qui tu voudrais tant faire.
Le dernier client s’en va et tu prends sa place, léger sourire sur les lippes qui ne te lâchent jamais, encore moins aujourd’hui. « Deux tartelettes aux citrons, s’il-vous-plaît. Meringuées.» Parce que tu sais que c’est son dessert préféré et en ce jour ci particulier, il y a plus que le droit.  Tu n’as jamais raté aucun de ses anniversaires depuis que tu le connais et cette année ne fera pas défaut, bien loin de là. Le paiement fait, tu fais volte face, tout cachés par le noir de ton sac, des choses pour lui faire plaisir, des cadeaux peu importe la tête qu’il te fera.

Tu es tout sourire, mais aussi terriblement stressé. Parce qu’avec son nouveau poste, ses nouvelles responsabilités, tu sais pertinemment qu’il quitte encore moins que souvent le Camp Jupiter et y retourner t’amènes toujours une pression supplémentaire. Tu sais que tu maîtrises tes pouvoirs désormais, que tu ne risques pas d’effacer la mémoire de quiconque par inadvertance, mais les souvenirs de ces regards effrayés, presque mauvais envers toi te hante encore et tu as du mal à t’en défaire malgré toutes les années passées loin des deux colonies. Mais pour Abel, pour son anniversaire, tu feras l’effort. Après avoir largement respiré, les épaules toujours tendus, tu finis tout de même par traverser la porte de Janus et rentrer dans le camp Romain. Les tutelas en poste te saluent, légère vérification avant de te laisser entrer. Les souvenirs sont nombreux alors que tu marches sans vraiment te presser, sans vraiment prendre ton temps non plus. Tu as un peu ce regard fuyant lorsque tu croises d’autres personnes, cette habitude de te décaler d’un pas pour les éviter un peu plus, pour ne pas risquer de les toucher et de voir leurs souvenirs qui n’appartiennent qu’à eux.
Sourire léger aux moments passés dans la salle des archives, dans cette cohorte qui semblait te convenir bien mieux que les autres alors que tu avances après les baraquements, toujours stressés, toujours un peu paniqué. Tu finis par arriver vers la cohors des clinicus et ton cœur bat un peu plus, ta main qui se resserre contre la anse de ton sac, le corps figé. Est-ce réellement une bonne idée que de venir ici ? Va-t-il être content ou plutôt t’envoyer chier ? Peut-être que tu devrais faire demi-tour, finalement. Dualité qui fais rage dans ta tête avant qu’un médecin ne finisse par sortir et se retrouve nez-à-nez face à toi, manquant presque de te tomber dessus si tu n’avais pas eu le réflexe de te décaler juste à temps. « Oh excusez-moi, je… Est-ce que Abel est là ? » Simple question bateau alors que tu es quasiment sûr que c’est le cas, que tu ne vois pas trop où il pourrait se trouver ; mais cela fait des mois que tu ne l’as plus vu et il y a bien des choses qui a pu se passer entre temps. « Oui, juste dans son bureau, tu peux y aller. »

Il t’offre un sourire qui te détends un peu plus et après l’avoir remercier, tu t’y diriges à pas feutré. Trois coups sur la porte et tu attends une réponse, n’osant pas l’ouvrir sans y être invité, incertain de la réaction qu’il pourrait avoir. Finalement il parle et tu abaisses la poignée, ta tête qui passe à travers la porte avec un sourire un peu plus large en voyant le brun. « Bonjour Abel, je ne te gênes pas ? »

T’es tellement plongé dans ton boulot que tu vois pas passer la journée. T’as enchainé les gardes, la nuit est passée et tu t’en es même pas rendu compte. Tu ignores la date, l’heure, ce que tu dois faire après. Deux gardes mais tu finis quand même pas faire les papiers, la putain de paperasse qui te fait un peu trop chier, mais t’es le seul qui a le droit de toucher à certains dossiers, l’un des seuls à pouvoir remplir les cases médicales pour certains soldats, alors tu te dis que tu es bien obligé. Que tout doit être fait. Que même si tu as les yeux qui fatiguent, les paupières qui tombent, les lunettes sur le nez et les doigts crispés. Les doigts nus aussi. Parce que comme un con, t’as cassé tes gants, un scalpel qui frôle ta peau en faisant une jolie déchirure dans le cuir. Tu peux plus vraiment les utiliser, maintenant, et tu as vraiment pas la force d’en chercher des nouveaux dans tes appartements. Ce n’est pas comme si tu avais prévu de voir quelqu’un aujourd’hui ; peut-être Maximus, mais tu es capable de tenir sa main métallique sans problème et tu sais qu’il garde une paire de gants de rechange à l’appartement.
Du coup, à chaque fois que tu écris ou bouge la main, tu peux voir la bague qui brille sous la lumière légère de la pièce. C’est étrange. Tu n’as presque pas l’habitude de la voir autant, aussi longtemps. Tu n’es pas du genre à porter des bijoux, bien au contraire ; tu les évite. Mais cette bague, elle est précieuse, bien trop. Tu n’arrives pas à l’enlever, de peur de la perdre. Même si tu sais qu’elle va être remplacée, tu es bien trop habitué au contact frais du métal contre ta peau.

T’as juste envie de partir, de poser ta blouse et d’aller rejoindre ton fiancé dans l’appartement que vous partagez à moitié. Tu veux juste lancer les dossiers et demander à Mica de les ranger pour toi. Tout lâcher pour dormir, une bonne véritable nuit de soleil.
La tasse de café est froide, le café est désagréablement tiède, et ça aussi tu veux le jeter contre le mur. Mais même ça, t’as pas la force de faire. Tu dois tout terminer avant de pouvoir te laisser tomber dans les bras de Maximus.
Tu frottes ton front et tu es tellement concentré que tu sursautes violemment quand quelqu’un frappe à la porte. Ton café, toujours aussi tiède, se renverse légèrement sur ta blouse et juste… tu lâches un long, profond soupir. Tu veux juste te casser. Si c’est le p’tit nouveau avec d’autres dossiers, tu jures sur le Styx, tu vas juste l'assommer pour fuir en courant et ne plus jamais remettre un pied au camp Jupiter.
Mais c’est Ezechiel, avec un large sourire, sa voix toujours aussi douce et tu te détends. En posant la tasse sur ton bureau tu hoches la tête. Ta journée (nuit ? matinée ?) est tout de suite plus lumineuse, et même la tache brunâtre sur ta blouse ne te semble plus aussi grave. “Entre Ezechiel, entre.” la voix fatiguée mais toujours forte, tu ne lui refuseras certainement jamais rien à cette petite boule de lumière. “Tu as besoin de quelque chose ?” parce que tu ne l’as plus vu depuis un certain temps. Parce que tu te souviens encore des cris quand il a quitté le camp. Tu lui désignes le canapé à côté de ton bureau, vieille chose défoncée par les années, qui a été ton lit un peu trop souvent quand tu avais juste besoin de faire des siestes d’un quart d’heure avant de repartir pour une garde. “Installe toi.” tu ne cherches pas à le toucher, prendre sa main, parce que tu le connais. Tu le connais trop bien. Une relation amoureuse, une relation tendre ; des mois de douceur ; un premier baiser volé dans les archives, qui a rapidement été suivi d’autres, parfois pressés, parfois langoureux, souvent incroyablement doux. Une relation qui s’est terminée dans les cris, dans tes hurlements, dans une dispute monstrueuse. Ça va mieux, entre vous, heureusement. Ezechiel est beaucoup trop bon. Beaucoup trop doux pour ce monde. Tu n’as jamais voulu l’écraser comme tu l’as fait.

Malgré les années, malgré la fin houleuse de votre relation et toute la peine que cela a pu amener à ton cœur et ton corps, Abel aura toujours une place toute particulière pour toi. Ton premier amour, ton premier baiser, ta première relation : l’amour que tu éprouves pour lui, même s’il est différent, s’il n’a plus rien du sentiment amoureux, est toujours vif en toi. Et comme chaque année depuis près de dix années maintenant, tu ne loupes absolument aucun de ses anniversaires. C’est léger, pas grand-chose, toujours le même gâteau et les cafés dont vous en appréciez tous les deux particulièrement la saveur ; mais c’était une sorte de tradition que tu ne louperais pour rien au monde.

Pourtant, aujourd’hui avec le poste qu’il a, tu as bien plus peur de le gêner qu’auparavant. Il a des personnes sous ses ordres, des horaires énormes à combler, un travail monstre à abattre. Toi, petit homme timide et invisible, tu as la peur terrible de ne pas tomber au bon moment, d’être un boulet plus qu’autre chose dans son planning charger. C’est pour cela qu’en passant la tête à travers la porte, tu as un léger sourire contrit, demandant l’autorisation de rentrer malgré tes sacs qui n’attendent que son accord. Tu  n’entends rien qu’au son de sa voix la fatigue qu’il a du accumuler avec ses gardes et alors que ton cœur se serre de penser à combien il doit être éreinté, tu as ce sentiment de fierté qui vient le couvrir en même temps. Parce qu’il est fort, Abel, bien plus que tu ne l’as été ni ne le sera jamais ; parce qu’il a toujours tout fait pour arriver au poste de Pilus Prior et a réussi, envers et contre tout ; parce qu’il enchaîne les gardes malgré son air grognon et sa langue acérée, faisant toujours en sorte que les hommes et femmes de sa cohorte puissent prendre le temps de se reposer lorsque lui, ne prends pas une seconde pour lui.
Tu l’admires comme tu l’as toujours fait, l’œil brillant alors que tu rentres timidement dans la pièce, prenant le temps de bien fermer la porte derrière toi. Il te demande si tu as besoin de quelque chose et tu secoues la tête, légèrement, parce que tu n’as besoin de rien du tout venant de lui ; le voir et observer son sourire est déjà un énorme soulagement après ce temps loin l’un de l’autre. Tu viens déposer ton sac sur le canapé, doucement alors que tu en sors deux cafés fumant que tu viens poser sur son bureau, léger rire en voyant la tâche brunâtre de sa blouse. « Je suis là pour toi aujourd’hui, tiens. » Tu lui tends la légère tasse avec un sourire qui te caractérise si bien avant de faire demi-tour.

Il ne semble pas vraiment comprendre quel jour vous êtes, sûrement trop exténué pour faire le rapprochement et pourtant, tu viens à nouveau sortir les tartelettes que tu avais soigneusement choisi quelques instants plus tôt et le glisser juste sur son bureau, face à lui. « Joyeux anniversaire Abel. » Parce que tu étais toujours là pour lui rappeler, chaque année, qu’il devait prendre un instant dans la journée pour prendre soin de lui, souffler un coup avant de mieux reprendre. S’il ne le faisait pas, tu le faisais à sa place, à l’époque ; quand était-il de maintenant ? Attiré par la lumière à son doigt, tu observes un instant le bijoux qui semble orné son doigt, le bois mélangé au métal et si ton sourire s’élargit, tu ne dis rien, pas encore. Tu te contentes de le regarder, ton nez caché dans ta tasse de café alors que tu prends une chaise pour t’asseoir face à lui plutôt que sur le canapé. Vous allez prendre le temps de discuter, un peu ; il aura tout le temps de te raconter tout ce qui lui est arrivé.

Tu ne comprends pas vraiment pourquoi il est là, s’il n’a rien besoin. Ca te fait plaisir, énormément. Parce que le voir te fait toujours sourire ; tu te sens toujours un peu plus léger. Son sourire répond au tien et tu l’observes faire sans comprendre son petit manège. Le café puis la tartelette et tu es si loin qu’il te faut une minute pour comprendre. C’est déjà ton anniversaire ? Tu restes figé un instant, parce que tu ne t’y attendais pas. Déjà ? Pourtant tu connais le mois, tu savais que ça allait arriver. Et tu espérais, comme toutes les années, voir Ezechiel débarquer avec votre tradition. Tous les ans, il vient te forcer à prendre quelques minutes pour toi. Un rappel que ta vie ce n’est pas uniquement ton boulot. Au début, tu levais les yeux au ciel, parce que ton anniversaire n’était pas si important ; mais au fond, t’avais si chaud au coeur. Qu’il prenne un moment dans sa journée juste pour penser à toi, te chercher un café, quelque chose à manger… Il t’a un peu trop bien connu, Ezechiel, et il sait que tu ne prends jamais un moment pour toi, encore moins maintenant ; il sait que tu as tendance à oublier de manger, aussi.
Tes doigts entourent le café avec un soupir de soulagement, la chaleur de la boissin te fait beaucoup de bien. Il ne fait pas froid mais après tes tours de garde, le sommeil qui te manque, t’as l’impression d’être glacé sur place. Il te souhaite un joyeux anniversaire et ton sourire se fait plus grand même si tu le caches derrière ta boisson. Tu es presque heureux qu’il s’installe en face de toi plutôt que sur le canapé. Tu ne l’as plus vu depuis un certain temps, tu auras des choses à lui raconter ; et tu espères que lui aussi, pourra se confier à toi.

Tu trempes tes lèvres dans le café et tu fermes les yeux un instant, tu prends le temps de souffler. Ezechiel t’a toujours offert un petit moment de paix, un petit moment de calme. Rayon de soleil et de douceur dans ta vie, fut un temps, tu en avais bien trop besoin. Tu as toujours besoin de lui, en partie ; tu n’es plus amoureux, mais ça ne change rien à la tendresse que tu portes pour lui. C’est le seul qui ne te donne pas envie de lui arracher les yeux quand tu es trop fatigué et rien que ça, c’est un miracle.
Vous êtes sorti ensemble, pendant un temps. Ezechiel, il t’a apprit la douceur, ton premier amour, ton premier baiser réel. Il t’a appris comment aimer. Tu ne penses pas avoir été assez bon avec lui, assez doucereux lorsqu’il en avait besoin. Tu l’as écrasé quand tu aurais du le soutenir. Tu t’en veux, un peu. Plus les années passent et plus tu te rends compte à quel point tu peux être le pire des connards.

“Merci, Ezechiel.” ta voix est rauque de fatigue mais tu es honnête, profondément honnête. “Je m’étais pas du tout rendu compte de la date… Pardon.” tu secoues la tête, tes boucles indisciplinées suivent le mouvement et tu fronces le nez. Tu as vraiment besoin de sommeil. Tu trempes encore une fois tes lèvres dans le liquide encore chaud et toujours aussi rassurant, un café, que tu as toujours adoré partager avec Ezechiel.
Tu remarques, toi aussi, ce qui brille à ton doigt et comme un réflexe, tu te mets à sourire avec une tendresse toute nouvelle. Voire cette bague, te souvenir que tu es fiancé, ça te fait toujours quelque chose. Le bonheur qui te prend à la gorge ; même si Maximus n’est pas avec toi, tu peux prendre sentir sa chaleur. Après quelques secondes d’un silence bien mérité, tu finis par avouer, doucement : “Maximus m’a demandé en mariage.” le bonheur est évident dans tes paroles. Tu n’es pas du genre à laisser apparaître ce que tu ressens (outre le dégoût ou le jugement) mais là, tu ne peux pas t’empêcher. C’est la vérité, tu es heureux.
Tu as un éclair de lucidité en le regardant. Tu ouvres un tiroir pour en sortir une invitation à ton mariage ; son nom est écrit par ta main sur l’enveloppe. “Je voulais te la donner en main propre.”

Il est épuisé et cela se voit, à son visage ; il devrait prendre le temps de se reposer un peu plus, cela s’entend rien qu’à sa voix. Tu ne dis rien parce que tu le connais, Abel, après plus d’une dizaine d’année d’amitié, un temps d’amour, même. Si tu n’es plus amoureux aujourd’hui (ou du moins, plus de lui), il aura toujours une place particulière dans ta place. La première personne a t’avoir vu, sensiblement, à t’avoir un peu sorti de ton ombre. La première personne a t’avoir touché, que tu as touché aussi à travers ses gants, ton premier baiser, tes premiers émois. Il est plus qu’un ami à tes yeux, bien trop important, celui à qui tu as confié bien des choses et qui t’en as confié en retour. Pour rien au monde tu ne changerais d’ami, malgré les disputes houleuses que vous avez pu avoir, même si votre ancienne relation n’était certainement pas la bonne.
Et tu ne le regrettes pas un instant, en voyant la bague à son doigt, le sourire accroché à ses lippes ; le connaissant, c’est presque un exploit que celui-ci soit présent aussi longtemps, d’autant plus avec son état de fatigue. « Ne t’excuses pas, je suis là pour te le rappeler après tout. » C’était comme ça que vous fonctionniez, chaque année : le forcer à faire une pause dans sa journée pour prendre soin de lui, manger un bout, boire cette boisson divine dont vous raffoliez tous les deux. Il en avait terriblement besoin, même si tu t’installes un peu mieux contre ta chaise en buvant ton café.

Il le dit, enfin et ton sourire n’en est que plus large. Une demande en mariage pour le pilus prior grognon ; qui ne semble que bonheur, un peu. Tu le connais un peu trop bien pour ne pas observer tout ces détails, ses yeux brillants, sa gorge qui semble se serrer sous l’émotion. Ton cœur aussi, qui s’emballe de bonheur pour eux, ton sourire qui ne te quitte pas comme en écho au sien. « Félicitations au futur marié alors ! et tu passeras le message à Maximus, je suis vraiment heureux pour vous. » Tu es plus que sincère, près à te lever même pour le prendre dans tes bras (c’est exceptionnel, mais la situation l’est aussi) ; sauf qu’il glisse un papier cartonné sous tes yeux et tu penches la tête légèrement, curieux, étonné. Tu reconnais son écriture sans un doute, ta mémoire qui l’a imprimé bien trop de fois, qui ne te quittera plus.
Tu n’as pas vraiment besoin de l’ouvrir pour en deviner son contenu, mais tu le fais quand même, les gestes précis, maîtrisés. Les quelques lignes sont lus le sourire aux lèvres, les yeux brillants d’une émotion nouvelle : une invitation à son mariage, tu n’aurais jamais cru cela possible. Et pourtant… « Je serais présent, n’en doutes pas. » Il était absolument hors de question que tu rates un évènement pareil et peu importe le boulot, tu feras en sorte d’être présent. Même si tu t’inquiètes du monde qui sera présent, des regards oppressants que tu n’as que trop subit, la peur au ventre… Tu te mords les lèvres un peu, gêné, ne sachant que trop comment il le prendrait. Si tu oserais vraiment, toi qui ne l’avait pas vu depuis un moment déjà, qui avait certaines choses à lui dire. « Est-ce que… Je peux venir avec quelqu’un ? » Trop rapidement le rouge aux joues, tes mains qui se triturent comme à ton habitude, le regard gêné.

Tu t’échappes un instant pour récupérer le petit sac noir à tes côtés, essayer de calmer les battements de ton cœur quelques instants, reprendre une respiration contrôlée. De toute façon, tu sais pertinemment qu’il ne te lâchera pas quoi qu’il arrive, ce n’est pas comme si tu pouvais fuir la conversation qui allait suivre. « Ouvre, c’est pour toi » alors que tu lui tends la sacoche, les deux petits cadeaux emballés à l’intérieur. En espérant que cela lui ferait plaisir.

Ezechiel, c’est surement ton ami le plus cher. Celui qui t’a connu dans tes meilleurs comme tes pires moments ; celui qui a choisit de rester proche de toi. Ce n’était pas facile, parce que tu pouvais te montrer horrible, parce que tu avais envie de le secouer, parce que tu n’as pas toujours été là de la façon dont il avait besoin. Mais il est resté. Il est, sans aucun doute, l’une des raisons pour lesquelles tu as envie de mieux faire, de devenir meilleur. Il mérite ce qu’il y a de mieux Ezechiel ; parce qu’il est terriblement doux, bulle de tendresse et de compréhension que tu as toujours admiré. De loin, fut un temps, puis bien plus proche, tes lèvres collées aux siennes, ta main gantée serrant ses doigts. Cette relation n’a pas pu continuer mais au final, c’était au mieux. Pour toi, parce que tu as rencontré Maximus et que vous allez vous marier aujourd’hui ; mais pour lui aussi, parce qu’il méritait bien mieux que toi, qu’il mérite toujours ce qu’il y a de mieux.
Tu sais qu’il a du mal, énormément de mal, avec le fait de rencontrer du monde, voir d’autres personnes. Parce qu’il est trop doux et s'écrase bien trop vite pour laisser plus de place aux autres, les laisser parler, les laisser être intéressant pendant que lui cachait son énorme coeur dans sa poitrine, bien loin ; pendant qu’il cachait son âme terriblement lumineuse et chaude le plus loin possible des yeux curieux des gens. Et tu comprends. Tu as vu en première ligne ce que les autres pouvaient lui faire subir, les regards noirs, les détours pour l’éviter le plus possible, les chuchotements. Tu avais eu droit à la même chose, pendant un temps, mais ta grande gueule et tes regards haineux leur avaient donné une autre raison de te fuir (et tu en étais bien heureux).

Pourtant, tu peux le voir là, qu’il est sincère et lumineux, qu’il est magnifique. Tu ne crois plus à un futur entre vous depuis longtemps mais ça ne t’empêche pas de voir sa beauté et la magnificence de son âme. Il te dit qu’il est fier et tu sais que malgré tout ce qu’il s’est passé entre vous, il est profondément honnête.
Il te dit qu’il sera présent et malgré ton air assuré, tu te détends un peu. Il te dit qu’il viendra alors tu sais qu’il sera là et tu es déjà heureux de le savoir présent lors du plus beau jour de ta vie. Tu sens sa gêne, facilement, il est toujours aussi lisible pour toi ; est-ce que c’est ton invitation qui le rend si hésitant ? Tu ne voulais pas le gêner, tu voulais juste voir ton plus proche ami avec toi, le jour de ton mariage…
Oh. Il veut inviter quelqu’un ? Tu hausses un sourcil et tu le fixes, les yeux immensément curieux et intéressés. Tu ne sais pas s’il parle d’une simple connaissance, d’un ami, ou de quelqu’un avec qui les choses sont sérieuses, mais tu comptes bien lui poser des questions.
Il tente de faire diversion et tu dois retenir un sourire amusé. Tu vas le laisser croire, pendant une seconde, que tu n’as rien vu passer et qu’il se montre subtil. Tu es bien entendu curieux, pour le cadeau, mais surtout après ce qu’il vient de te dire : il veut inviter quelqu’un à ton mariage. Ce quelqu’un doit être particulièrement important pour lui, sinon il ne l’inviterait pas. Tu te rends compte que tu n’as plus vu Ezechiel depuis bien trop longtemps et au fond, il t’a beaucoup manqué.

Tu sors les gants et ton coeur se serre. Ezechiel et son trop grand coeur ; il ne sait pas que tu as cassé tes gants ce matin et pourtant, il arrive toujours au bon moment avec une nouvelle paire. De très bonne qualité, en plus. Tu ne peux pas cacher ton sourire alors que tu les enfiles avec une certaine précaution. Ils sont parfaits. “Merci beaucoup Ezechiel.” il sait à quel point c’est important, presque vital pour toi, de porter des gants pour protéger tes mains. Pour vous deux, c’est important ; presque intime. C’est grâce à eux que tu as pu le ‘toucher’, que tu as pu tenir sa main, grâce aux gants qu’il n’a pas directement fuit.
Tu veux ranger le sac mais il est encore lourd. Autre chose ? Tu sors ensuite les lunettes, et tu ne peux pas retenir ton léger rire. Il t’a toujours (très gentiment) reproché de ne pas porter tes lunettes alors que tu en avais clairement besoin. Ton immonde paire que tu caches toujours dans une poche de ta veste, les verres griffés, la monture fragilisée par les années. Celles-ci sont différentes, plus rondes, bien plus jolies. Il a toujours pensé à toi. Tu es presque ému. Alors sans attendre tu les enfiles, pour mieux pouvoir l’observer. Il t’a donné l’arme parfaite pour encore mieux pouvoir lire en lui et l'analyser. “Elles sont parfaites. Encore merci.”

tu lui laisses encore un peu de temps, tu prends une gorgée du café, tu enfiles le second gant et tu ranges le tout, avant de venir t’asseoir en face de lui, un sourire amusé que tu ne cherches même pas à dissimuler. “Alors comme ça… tu veux inviter quelqu’un ?” tu poses ton coude sur le bureau pour mieux soutenir ton visage ; pour ne rien rater du spectacle. “J’imagine que tu ne veux pas juste inviter une connaissance Ezechiel, je te connais.” seconde gorgée, tu prends le temps de bien savourer. Tu dégustes sa peur et sa gêne. “Qui c’est ? je veux tout savoir sur cette personne. Elle a un nom ?”